J’adore la SNT en parti pour ces moments.
Hier, alors que nous étions sur un sujet débat “réseaux sociaux”, il s’est passé quelque chose.
Au début, nous parlions simplement de l’utilisation des réseaux sociaux en 2023, les élèves me témoignant de ce qu’ils font généralement, comme ça se passe pour eux… bref, comme d’habitude depuis que j’enseigne la SNT.
Les témoignages sont toujours intéressants, mais hier, c’était particulier.
Une élève a commencé à expliquer comme elle vivait les réseaux sociaux : “je n’y vais pas trop”, “il n’y a que de la méchanceté”… bref, c’était très noir mais je n’ai pas senti à ce moment là un problème particulier.
D’autres élèves ont commencé à se moquer d’elle en lâchant de vexantes petites phrases, attitude que je combat ardemment.
J’ai demandé à l’élève si elle voulait nous expliquer pourquoi elle ne voyait les réseaux qu’à travers le prisme de la méchanceté et c’est alors qu’elle nous a parlé de sa pratique.
En faite, elle utilise Instagram tous les jours et Snapchat régulièrement et n’y reçoit presque que des insultes.
Elle nous a décrit comment ça se passait quand elle postait du contenu sur Insta et bien souvent rien, aucune interaction. Beaucoup d’élèves se sentent seuls lorsque personne ne réagit au contenu qu’ils postent, un des effets pervers de la fameuse popularité obligatoire et affichée voulue par le système de commentaire et de like.
“Mais le problème, c’est quand il y a quelque chose. Sur quelques photos, plein de gens viennent m’insulter”.
En faite, l’élève se fait régulièrement moqué, souvent sur un aspect physique, par d’autres élèves. Elle nous a donné quelques exemples en classe.
Comme bien souvent avec le harcèlement, ce n’est pas grand chose. Quelques blagues, toujours de l’humour, que des “c’est pas méchant ça monsieur”… Les élèves ne mesurent souvent pas la puissance de leur arme la plus létale : la parole (ou l’écrit le cas échéant).
Toujours en accord avec l’élève, elle nous a décrit ce qu’elle ressentait quand elle lisait les commentaires et la pression qu’elle avait avant de poster quelque chose (ce qu’elle ne fait plus depuis des mois, elle se sent interdit de créer du contenu, sous peine de représailles). De mon côté, j’ai été très attentif au changement d’atmosphère dans la classe (je l’ai d’ailleurs fais remarquer aux élèves après coup).
D’abord, on prend le témoignage à la légère. On rigole, on se moque gentiment car l’élève qui témoigne n’est pas “populaire”, c’est bien connu, alors on a le droit.
Ensuite, on se taie et on devient plus attentif à ce que dit l’élève parce que “ah ouais, c’est chaud”.
Puis, le vrai silence. Nous nous sommes retrouvé l’espace de 2 minutes dans une classe de 32 élèves dont 31 étaient parfaitement muet devant l’émotion suscitait par la vie après l’école de cette jeune fille.
Enfin, beaucoup de question et d’indignation de la part des élèves, y compris des plus moqueurs.
Nous n’avons pas suivi le programme que j’avais préparé. Les 45 minutes suivantes ont donné naissance à un débat sur le harcèlement en ligne et ses différentes formes.
Intérieurement, j’espère que ces témoignages et ces expériences vécues ensemble permettront à mes élèves de ne pas devenir les harceleurs à leur insu (car souvent, ils ne se rendent pas compte de l’impact qu’ils provoquent chez l’autre) de demain.
En tant que prof, nous ne pouvons pas fermer les yeux sur les mauvais comportements de nos jeunes, même les plus insignifiants. L’année dernière, un élève se faisait harceler par des filles qui ne voulaient jamais être en groupe avec lui ou qui ne le laissaient pas parler pendant les débats et ce, à longueur de temps. Une fois, deux fois, OK, on peut se dire que cela va passer.
Quand c’est tout un trimestre, il est de notre devoir d’agir, de prévenir le professeur principal, l’assistant d’éducation et les parents.